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Memphis. La destination ressemble à un pèlerinage pour tout passionné de soul, de blues et de rhythm’n’blues. Revenue à ses premières amours depuis 2010 et l’album Mess Around, Robin McKelle a choisi la ville de Stax et de Hi Recordings, d’Otis Redding et d’Al Green, pour y enregistrer son nouvel album, et quelques minutes d’Heart Of Memphis suffisent à comprendre ce choix. Malgré le temps, les musées qui s’érigent en lieu et place des studios de la grande époque, c’est de l’âme de cette ville, théâtre de quelques-unes des plus belles pages de l’histoire de la musique populaire américaine, que Miss McKelle est venue s’imprégner pour ce nouveau disque, deux ans après Soul Flower.
« Je voulais capter le son de Memphis, mais aussi écrire, composer et arranger de nouvelles chansons, en ayant cet héritage à l’esprit. » En s’adjoignant les services de Scott Bomar, l’homme derrière la console de nombreuses sessions avec Isaac Hayes ou Al Green, la chanteuse a d’abord inscrit cet album dans une filiation sonore évidente.»
« Mais ce n’est pas un tribute album. J’ai appris beaucoup à propos de cette ville en y passant du temps pour ce disque. J’ai visité des lieux légendaires, Stax, Graceland, les Studios Sun : ces endroits dégagent quelque chose de très fort. Tous les jours, en allant à nos séances d’enregistrement, nous passions devant le Lorraine Motel, où le Dr. Martin Luther King fut assassiné. Qu’on soit musicien ou pas, on ressent le poids de l’histoire partout à Memphis. »
RobinMckelle_slide1
Avec sa voix grave, son chant terrestre, franc et direct, qui prend aux tripes, Robin McKelle établit connexion évidente avec les grands artistes de cette cité, connue pour son penchant pour une expression brute, rugueuse, à vif. « La soul de Memphis est différente de celle de Motown. Les émotions y sont plus essentielles. C’est propre au Sud. La country music et le blues y sont très présents et se sont mélangés ici avec la soul comme nulle part ailleurs. Ca donne un style plus « in your face » que Motown. Comme j’ai un timbre éraillé, ce registre me convient parfaitement. »
Performer détonante sur scène, Robin McKelle puise ses influences autant du côté des grandes figures de la soul au masculin, que chez les divas des sixties. On prendra pour exemples son interprétation poignante de « It’s Over This Time », et celle de « Forgetting You », l’une des deux reprises du disque (avec un « Don’t Let Me Be Misunderstood » réarrangé en mode deep soul). Robin tenait beaucoup à interpréter ce thème de OB McClinton. « C’était un chanteur et compositeur afro-américain de country. Ce qui était plutôt rare à l’époque. Après avoir entendu la version terrible de James Carr, j’ai hésité. Puis je me suis dit que, par son côté authentique, c’était une chanson emblématique du passé de Memphis. » Encore fallait-il pouvoir convoquer toute la force nécessaire pour porter pareil moment d’émotion. « Quand je suis dans des sentiments forts, je m’inspire sans doute inconsciemment de chanteurs comme Otis Redding, James Brown ou Sam Moore. » La chanson titre elle, sonne franchement country avec une pointe de nostalgie. « Depuis toute gosse, on me dit que je devrais tenter ma chance dans ce domaine. Du coup, je crois avoir composé mon thème le plus proche de ce style avec cette chanson. »
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Avec « About To Be Your Baby », « Like A River » et « Easier That Way », c’est le souvenir des sessions Hi du producteur Willie Mitchell avec Al Green qui vient à l’esprit. « On a placé les cuivres très en avant, en les mixant de façon très incisive. Ce sont des lignes simples, mais qui à l’arrivée jouent un rôle décisif quasiment sur le même plan que la mélodie. »
Sur le trépidant « Good Time », la chanteuse rend hommage aux légendes de la musique soul, citant au passage une (autre) incroyable femme de scène. « J’adore Janis Joplin, Aretha (Franklin) et Tina (Turner) : elle, c’est une incroyable bête de scène. Ces dernières années, je me suis libérée : je suis devenue plus physique en live. J’aime la liberté que cela me procure. Et dans ce registre, Tina est vraiment The Queen ! »
Robin McKelle a été découverte en France à travers deux albums de jazz swing avec big band, Introducing Robin McKelle (2006), puis Modern Antique (2008). Tous deux sont presque le fruit du hasard : originellement enregistrées pour trouver des engagements, ces démos de standards ont finalement abouti sur la table d’un label. De fil en aiguille, la chanteuse se retrouvera à tourner dans le monde entier avec le succès que l’on sait. Mais en 2010, la native de Rochester (Etat de New York), décide d’opérer un courageux virage avec Mess Around. Elle y reprend des thèmes de Leonard Cohen, Doc Pomus, Willie Dixon. Un an plus tard, Soul Flower, ponctué de duos remarquables avec Gregory Porter et Lee Fields, la voyait affiner sa propre identité, endossant le rôle de songwriter sur la plupart des titres.
C’est ce versant qui domine à nouveau ici : Robin Mc Kelle signe onze des treize thèmes de Heart Of Memphis. Entourée de ses fidèles Flytones, aidée par Derek Nievergelt, son bassiste et complice musical, elle relève le défi de façonner, en 2013, d’authentiques pépites soul. « L’écriture m’attire de plus en plus. Etre artiste, c’est aller au bout de soi-même, prendre des risques. Aujourd’hui je me sens assez confiante pour créer, emprunter de nouvelles directions. » Même si elle se sert de ses influences, Robin McKelle, loin de tomber dans le piège revivaliste (distrayant mais pas forcément vital), concocte un répertoire de chansons soul, prenantes et bluesy. Avec le tempérament et la sincérité requises.
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